Comment Survivre à Une Autopsie ?
Evidemment, quand je dis survivre à une autopsie, je parle forcément en tant qu’observateur, vous ne survivriez à rien du tout si vous étiez déjà mort sur le billard…
Pour ceux qui ne le savais pas : l'autopsie qui vient du grec "voir par soi même" est une dissection et examen d'un cadavre afin de déterminer les causes du décès. C'est donc le médecin légiste spécialiste en anatomie-pathologique (normalement) qui s'occupe de cette tâche, pas le métier de vos rêves c'est sûr.
Bon, vous allez surement me dire que ça n’arrive pas tous les jours ce genre de chose. Ouais, et bin baladez-vous dans un pays en développement, près d’un hôpital de campagne, où les règles, lois et protocoles sont beaucoup plus flexibles, voir, inexistants, et vous verrez comme des choses incroyables peuvent arriver.
En tant que professionnelle de santé, je n’ai jamais eu la chance d’assister à une autopsie en France.
Bien sûr, comme vous tous j’ai disséqué une souris en 2°, un humain c’est quand même différent (sauf si vous êtes fin défenseur des animaux, je vous laisse régler ça avec 30 millions d’amis).
Malgré ma méconnaissance sur ce genre d’acte j’ai pu, comme vous tous, imaginer à quoi une autopsie ressemblerait. On a tous vu des séries policières, avec des enquêtes et des corps morts où un médecin légiste très pointu découvre un élément troublant…
Bref, dans ce que j’ai pu m’imaginer donc, j’ai toujours vu une pièce sur-éclairée, aux néons qui font mal aux yeux, des murs blancs immaculés, des outils en métal stérilisés, posés sur une table en inox désinfectée aux produits acides. Un espace où seul un maniaque et psychorigide pourrait travailler quoi.
Figurez-vous que ce j’ai vu en vrai, c’était pas tout à fait ça.
Je vous explique : C’est lors d’un volontariat dans un hôpital de campagne (au Népal) que j’ai assisté à ma première autopsie.
Avant tout je tiens à les excuser, oui ces gens font ce qu’ils peuvent et se démerdent avec ce qu’ils ont.
C’était mon premier jour, je venais d’arriver depuis une demi-heure au poste qui m’avait été assigné, quand la « voiture de la mort » comme m’ont indiqué les étudiants, a fait son apparition.
Ne vous faites pas d’illusions, pas de « bat-mobile » croque-mort, juste un 4x4 transformé en ambulance, un truc classique pour le coin. Les étudiants m’ont alors gentiment invité à voir ce spectacle avec eux. Ils avaient l’air tous excités. J’ai, par curiosité, bien sûr accepté.
Je vous décris le décor. Âmes sensibles, s’abstenir.
Nous nous dirigeons vers un « bâtiment », le seul encore debout après le tremblement de terre, pour dire simple, quatre murs de bétons et une porte en bois.
Lorsque j’entre dans la pièce, le corps est déjà posé sur la table en béton. Oui, oui en béton.
La rigidité cadavérique est assez impressionnante. A vrai dire, ses bras endurcis étaient bloqués près de son corps. Ils ont d’abord dû les casser pour pouvoir dégager le torse. Normal.
Ensuite, ils ont rapidement lavé le corps avec un sot d’eau et là commence vraiment l’autopsie.
Le médecin est accompagné d’un assistant et de 8 étudiants. Ils commencent ensemble par une description oral du corps et de ses lésions apparentes.
L’homme qui s’occupe de faire le travail, n’est pas médecin, je l’ai déjà vu, c’est l’homme à tout faire de l’hôpital. Il est chauffeur d’ambulance. Pourquoi pas. Ces cheveux trop long devant ses yeux, sa blouse de boucher et ses air-max aux pieds me perturbent... Il commence par ouvrir le torse à l’aide d’un scalpel, tire légèrement la peau pour découvrir la cage thoracique et ainsi la casser. Il retire le sternum. L’odeur de chair rassie commence à envahir la pièce…
Le coeur attrapé à la main est retiré et posé directement sur la table en béton. Il saigne.
Je remarque que le foie est gonflé.
La pièce est terriblement sale. Il y a quand même un lavabo. Un banc en bois avec dessus une vulgaire boîte à outil et à l’intérieur quelques instruments. Je ne vois, ni savon, ni produits désinfectants.
Des mouches volent au dessus du visage du cadavre.
La porte toujours ouverte pour éclairer la pièce laisse apparaître des têtes anonymes qui osent par trop de curiosité jeter un regard à l’intérieur. Il a percé l’intestin, du moins je crois. Une odeur putride s’en dégage. Certains sortent. L’assistant applique alors un parfum sur l’ensemble des entrailles. J’ai un moment de doute, mais non, c’est bien de l’eau de Cologne…
Ils auscultent les organes, le coeur, les poumons, puis referment le corps, avec une aiguille et un fil à coudre très épais.
Je croyais que c’était fini, j’allais presque dire « ouf » mais non, c’est au tour de la tête.
Il passe le scalpel en travers de son front, le sang déjà coagulé ne coule presque plus.
Il tire la peau, c’est la que je réalise que j’ai bien fais de ne pas avoir trop mangé ce matin.
TADA, le crâne apparait, il sort la scie..
OKEY, je sors.
Il y a des moments de solitude comme ça parfois, où tu te demandes si c’est vraiment la réalité qui est en train de se produire ou le simple fruit de ton imagination (quoi qu’étrange et hardcore).
J’ai eu un moment de trouble quand, à l’extérieur de la pièce, le soleil tapant sur ma gueule, trois mecs inconnus au bataillon, peut-être de la famille du patient ou d’un patient de l’hôpital, assis juste à coté de moi, ayant aussi un bref aperçu de l’intérieur de la salle, me dévisageait.
Je me suis demandé ce qu’il y avait d’étrange dans la scène : si c’était le fait que ce soit une blanche aux cheveux courts (ça ne cours pas les rue là-bas) en blouse blanche avec l’estomac noué devant un crâne en train d’être découpé à l’aide d’une scie, ou tout simplement le fait qu’une autopsie se déroulait presque à audience publique pour que tous le monde puisse profiter du spectacle et que je ne sache pas où me foutre au milieu de ce bordel…
Bref.
J’ai dégluti doucement ma salive, en apercevant que le sang et « morceaux » qui s’écoulaient au centre de la table « de travail » , ne faisait que traverser un pauvre mètre de tuyau pour se déverser dans l‘herbe juste derrière la pièce…
AH.. elle est pas belle la vie ? joyeuse et rigolote ?
Bon voilà. Ils ont ensuite quand même ouvert le crâne au pied de biche et sortis le cerveau pour le montrer aux étudiants. Je me demandais alors dans quel but cela avait-il été fait… Si c’était pour une raison médicale indiquée ou juste pour le « fun ». J’ai appris plus tard qu’il voulait montrer l’anatomie aux étudiants. Pas bête.
Bon je dessine un tableau pas très professionnel du cadre médical mais il faut savoir que l’hôpital avait été entièrement détruit par le tremblement de terre de 2015 (ça vous dit peut-être quelque chose?).
Vous vous demandez sûrement comment j’ai pu survivre à cette situation sans vomir, ni fuir, ni prendre rendez-vous chez un psychologue ? ou comment simplement survivre à une situation aussi délicate que celle là?
Et bien, il me semble que savoir gérer son estomac et son sang froid est assez important.
Le tout est de savoir jusqu’où notre curiosité peut nous mener et si celle-ci ne risque pas d’être traumatisante.
Je ne sais pas si beaucoup d’entre vous auraient envie d’assister à ce genre « d’acte médical » mais on va dire que je vous ai écris cela au cas où… Sait-on jamais…
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