Les Amis De Sunhi Sont Mes Amis
Puisqu'il est bon de s'intéresser à tout, inaugurons la rubrique des sorties films en salles en présentant un film dont a priori le commun des mortels n'aura pas remarqué l'existence. Un film "de chinois" (coréen s'entend), sans flics véreux, sans prostituées shootées à l'opium, sans serial killer aux motivations lubriques et sans bagarres au pied de biche ou aux patins à glace, ça te dit?
Dans Sunhi, il n'y a rien de ces ingrédients qui ont rendu le cinéma coréen populaires dans nos vertes contrées depuis un peu plus d'une décennie.
Le pitch: Sunhi, diplômée en cinéma à l'université, demande une lettre de recommandation à son professeur pour partir étudier aux States, mais la lettre ne lui plaît pas car elle n'est pas assez élogieuse. Le professeur accepte de la réécrire. Entre une ancienne liaison, son professeur et un vieil ami, se tisse un jeu de dupe dont l'enjeu commun est la possession de Sunhi. Mais qui trompe qui ?
Le rythme du film est à la mesure de ce que l'histoire, faite de "petits riens", laisse présager. C'est lent et posé (ou mou et plat pour les plus hermétiques). On est quand même assez loin du tempo pachydermique de Tarkovski ou Béla Tarr, qu'on se rassure.
On a donc une majorité de plans fixes, avec, à certains moments, d'étranges coups de zoom. Cela minimise le rôle du montage, pour mieux laisser s'exprimer les acteurs, tous les quatre très bons. Dans une des multiples scènes de restaurant, l'ex-petit ami ivre qui ne s'arrête pas de parler fait à ce titre un joli numéro.
A mesure que l'histoire se déplie, on comprend que le réalisateur aime montrer ce que les personnages dissimulent les uns aux autres. Le vieil ami n'est pas du tout content de devoir écouter l'ex de Sunhi pleurer sur son épaule. Pourtant il le réconforte comme son meilleur ami. Le professeur raconte comment il est tombé amoureux de son étudiante, mais il utilise exactement les mêmes termes que dans sa lettre de recommandation pour expliquer cela. Quant à Sunhi, elle dit qu'elle arrête les hommes pour se concentrer sur les études alors qu'elle provoque les rencontres...et ainsi de suite.
C'est là l’intérêt de ce film. La vérité n'est jamais clairement exprimée. Les personnages ne la connaissent sans doute pas eux-mêmes. Aucun d'eux n'a de réel contrôle sur ses sentiments et leur évolution. Leurs attentes sont souvent en contradictions avec leur désir profond. Ce qui paraît juste dans une scène est susceptible d'être faux dans la scène suivante. Le film traite donc d'un thème visiblement universel, une forme d'insoutenable légèreté de l'être, où le plus lourd mensonge est celui qu'on se fait à soi-même.
Après vision du film, on comprend mieux l'ironie derrière le titre original du film "Notre Sunhi". Sunhi n'est à personne, c'est ce que devront comprendre chacun des prétendants. Pourtant le dilemme que vit la jeune étudiante (qui suis-je? qu'est ce que je veux au fond de moi?) appartient bel et bien à chacun, personnages comme spectateurs.
En somme, c'est un bon film, très bien interprété, qui cache derrière un style léger une réflexion pessimiste sur les désirs humains.
Si tu aimes....les films d'Eric Rohmer, la bière chinoise, les étudiantes en cinéma...alors ce film est pour toi!
Sunhi, Hong San-Soo (2014)
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REQUIEM POUR UN MASSACRE : BEAUCOUP DE MAL POUR TON BIEN
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