Underground - Haruki Murakami

Vous avez sûrement déduit du nom de l'auteur son origine japonaise. Votre esprit a peut-être même dérivé vers une image de tentacules. Vous avez donc regardé trop de hentaï. Yamete Sempai. Je me dois de vous prévenir que ce livre ne traite pas d'écolières en uniforme. Attendez ! Ne partez pas tout de suite ! Ça parle d'une secte. C'est bon ? J'ai retenu l'attention ? (Les sectes ça a toujours son petit effet.) Parfait. Parce qu'en fait c'est bien plus complexe.
J'invoque donc le contexte. « Contexte no Jutsu » (me lapidez pas, lire Naruto ça peut arrivé même aux meilleurs d'entre nous) :
Nous sommes en 1995 au Japon. La situation économique se dégrade, finie la « bulle spéculative » qui a permis une croissance miraculeuse après la Seconde Guerre mondiale. Le pays vient d'être ébranlé par le tremblement de terre de Kobé, causant de nombreuses victimes et surtout un véritable traumatisme pour une population qui se croyait à l'abri de tous dangers, le Japon était le pays de la « sécurité », aux yeux de ses habitants comme à ceux du reste du monde.
On en arrive au 20 mars 1995. Tokyo. Un lundi froid mais ensoleillé. Des métros bondés (bien que le lendemain soit un jour férié, faire le pont c'est pas donné à tout le monde hein). Et un attentat. Du gaz sarin répandu dans 5 rames simultanément entre 7h45 et 8h, heures d'affluence. L'attentat est orchestré par Aum, une secte qui a pour leader le charismatique Shoko Asahara , et qui est loin d'être inconnue des autorités de part ses implications dans des activités suspectes dépassant le simple prosélytisme. Il y aura 12 morts, et des milliers de personnes atteintes par ce gaz, avec des séquelles plus ou moins graves.
Mais qu'est ce que Monsieur Haruki Murakami vient faire dans cet événement tragique me direz-vous ? C'est un romancier japonais(ne pas confondre avec l'artiste Murakami ou bien l'autre romancier du même nom ou... bref y a plein de Murakami), l'un des plus connu à l'étranger. Or ce que je viens de présenter sont des faits, pas des élucubrations de romancier un peu trop versé dans les théories du complot.
Et bien voilà, ce livre n'est pas un roman. C'est un recueil de témoignages. Haruki Murakami était présent au Japon au moment des faits, après avoir passé de nombreuses années à l'étranger. Il avait acquis un regard extérieur sur son pays d'origine durant ce qu'il qualifie lui-même comme un « exil ». La couverture médiatique l'interpella, elle ne répondait pas à ses interrogations sur cet événement. Et comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, il entreprit de recueillir le plus de témoignages possible.
Que s'était-il vraiment passé ce jour-là ? Qu'ont ressenti les victimes ? Il souhaitait surtout, à travers cette enquête, sonder la société japonaise. Pas fastoche. Peu de personnes ont accepté de revenir sur ce traumatisme, et ceux qui ont accepté ont par la suite demandé de nombreuses coupes dans leur témoignage. Quand toute une société s'acharne à occulter un événement c'est bien que celui-ci a une signification non ? C'est en tout cas l'idée de départ de Murakami.
« Pourquoi est-ce que je devrais me coltiner un recueil de témoignages ? Je peux tout aussi bien regarder Toute une histoire sur France 2 si je veux de l'appellation « true story bro » contrôlée. » Remarque pertinente, j'en conviens. Je vais essayer de vendre le bazar quand même (façon de parler, j'ai pas d'actions chez l'éditeur promis).
J'invoque donc le contexte. « Contexte no Jutsu » (me lapidez pas, lire Naruto ça peut arrivé même aux meilleurs d'entre nous) :
Nous sommes en 1995 au Japon. La situation économique se dégrade, finie la « bulle spéculative » qui a permis une croissance miraculeuse après la Seconde Guerre mondiale. Le pays vient d'être ébranlé par le tremblement de terre de Kobé, causant de nombreuses victimes et surtout un véritable traumatisme pour une population qui se croyait à l'abri de tous dangers, le Japon était le pays de la « sécurité », aux yeux de ses habitants comme à ceux du reste du monde.
On en arrive au 20 mars 1995. Tokyo. Un lundi froid mais ensoleillé. Des métros bondés (bien que le lendemain soit un jour férié, faire le pont c'est pas donné à tout le monde hein). Et un attentat. Du gaz sarin répandu dans 5 rames simultanément entre 7h45 et 8h, heures d'affluence. L'attentat est orchestré par Aum, une secte qui a pour leader le charismatique Shoko Asahara , et qui est loin d'être inconnue des autorités de part ses implications dans des activités suspectes dépassant le simple prosélytisme. Il y aura 12 morts, et des milliers de personnes atteintes par ce gaz, avec des séquelles plus ou moins graves.
Mais qu'est ce que Monsieur Haruki Murakami vient faire dans cet événement tragique me direz-vous ? C'est un romancier japonais(ne pas confondre avec l'artiste Murakami ou bien l'autre romancier du même nom ou... bref y a plein de Murakami), l'un des plus connu à l'étranger. Or ce que je viens de présenter sont des faits, pas des élucubrations de romancier un peu trop versé dans les théories du complot.
Et bien voilà, ce livre n'est pas un roman. C'est un recueil de témoignages. Haruki Murakami était présent au Japon au moment des faits, après avoir passé de nombreuses années à l'étranger. Il avait acquis un regard extérieur sur son pays d'origine durant ce qu'il qualifie lui-même comme un « exil ». La couverture médiatique l'interpella, elle ne répondait pas à ses interrogations sur cet événement. Et comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, il entreprit de recueillir le plus de témoignages possible.
Que s'était-il vraiment passé ce jour-là ? Qu'ont ressenti les victimes ? Il souhaitait surtout, à travers cette enquête, sonder la société japonaise. Pas fastoche. Peu de personnes ont accepté de revenir sur ce traumatisme, et ceux qui ont accepté ont par la suite demandé de nombreuses coupes dans leur témoignage. Quand toute une société s'acharne à occulter un événement c'est bien que celui-ci a une signification non ? C'est en tout cas l'idée de départ de Murakami.
« Pourquoi est-ce que je devrais me coltiner un recueil de témoignages ? Je peux tout aussi bien regarder Toute une histoire sur France 2 si je veux de l'appellation « true story bro » contrôlée. » Remarque pertinente, j'en conviens. Je vais essayer de vendre le bazar quand même (façon de parler, j'ai pas d'actions chez l'éditeur promis).
Une des principales raisons qui pourrait pousser à lire ce bouquin serait la curiosité pour un événement qui nous est en général méconnu. Oui je sais, Wikipédia c'est pas pour les chiens. Mais avouez que dépasser la froide chronologie d'une page wiki et plonger dans les profondeurs du métro aux côtés de personnes bien réelles, c'est plus enrichissant. Les récits sont tous précédés de quelques indications biographiques, qui sont parfois développées dans le récit lui-même. Des détails instructifs sur la société japonaise de l'époque sont donc subtilement disséminés, sans pour autant s'éloigner du sujet de départ. Ou alors c'est juste que ça aurait été inconcevable pour un romancier de présenter des « personnages » sans background... A ce propos, sans douter de la véracité des témoignages, il est parfois difficile de considérer ces personnes autrement que comme des personnages...
Est-ce lié à une difficulté à se projeter dans un lieu qui nous est inconnu et dans une situation qui nous l'est encore plus (encore heureux) ? Probable. Cela affecte t-il notre perception des faits ? Pas vraiment. Je m'explique un peu, ce sentiment d'avoir à faire à des personnages vient plutôt des coupes et autres contraintes imposées à l'auteur. On ressent l'humanité des intervenants, seulement ils manquent peut-être de profondeur. Mais faire la biographie complète de 50 clampins c'est pas trop possible, voir inintéressant. Eh ouais on touche le point sensible, nous ne sommes pas intéressants, et n'importe qui aurait l'air désincarné au travers de son récit. Nous sommes superficiels. Une phrase, somme toute banale, que pourrait tout à fait dire un disciple d'Aum Shinrikyo.
(Transition. Bim.)
La deuxième partie du bouquin se concentre en effet sur les témoignages de membres ou ex-membres d'Aum, une secte avec pour base les enseignements bouddhistes (autant dire que c'est pas par désir de tuer qu'on intègre le machin). Comme Murakami l'exprime bien dans son interlude précédant cette partie, l'opposition « nous » contre « eux » (relayée notamment par les médias) se doit d'être questionnée, quitte à nous mettre dans une situation inconfortable. Car oui c'est perturbant. On se retrouve face à des hommes et des femmes sensés (petite précision : aucun n'est impliqué dans l'attentat, ceux qui le sont croupissent en prison, certains dans l'attente de leur exécution...). Ils se sont tournés vers une vie spirituelle à cause de leur sentiment d'inadaptation. Quand le monde séculier vous paraît absurde et rempli de souffrance, qui peut vous en vouloir d'y avoir renoncé ? Leurs récits sont touchants. Peut-être plus que ceux des victimes de l'attentat ? Il faut garder en tête qu'on leur demande de raconter leurs parcours, leurs interrogations métaphysiques, pas juste un événement de leurs vies, contrairement aux victimes. Il n'est pas question de mettre les deux parties du livre sur le même plan, le but n'est pas la comparaison.
Quoiqu'il en soit les deux parties nous mettent face à nous-mêmes. Comment aurais-je réagis si je m'étais trouvé dans le métro à ce moment ? Ou si j'avais été témoin de la scène apocalyptique de personnes s'effondrant à la sortie du métro ? Aurais-je aidé ? Aurais-je fuis ou ignoré ? Ha. On préfère tous se dire qu'on aurait été des héros, et en même temps on doute...
On doute aussi de notre envie de s'intégrer au système. Aurais-je été attiré par une secte comme Aum à un moment de ma vie ? Ça paraît un peu exagéré comme ça, je crois que les sectes n'ont pas la même image et la même portée en Occident. Il n'empêche qu'à la lecture des récits de disciples nombres de personnes pourraient s'y retrouver.
Celui qui en a été le plus perturbé est probablement Murakami lui-même. Lui et sa prédilection pour les mondes secrets, aux frontières de l'étrange. 1Q84, sa trilogie que je conseille vivement, s'est d'ailleurs nourri de cette enquête (« oh hé, l'autre, il veut déjà nous refiler trois autres pavés. » ben oui, deal with it). Finalement la lecture de ce livre est peut-être une bonne introduction à son œuvre, en plus de donner les bases nécessaires à la compréhension de la société japonaise, il permet d'ancrer l'onirisme de ses romans dans la réalité. Une dimension importante, c'est pas juste du gros délire sous acide, là où se trouve l'onirique, se trouve souvent une métaphore d'interrogations bien réelles. (Bon là c'est purement subjectif, faites-en ce que vous voulez, un collier par exemple, c'est joli un collier.)
Avant de vous lâcher la grappe, voici quelques suggestions qui s'assortissent bien avec la lecture de ce bouquin (comment ça c'est pas un blog mode&beauté ?) :
– L'animé Paranoia Agent, réalisé par Satoshi Kon (13 épisodes, pas besoin d'être fan d'animés pour apprécier)
– Fire Coming Out Of Monkey's Head – Gorillaz (sans raison précise, j'aime bien le morceau)
– Pour le total look japon, vous pouvez écouter du Nujabes aussi (RIP Nujabes)
Et bien sûr les romans de Haruki Murakami : Danse, danse, danse, Les Amants du Spoutnik, Kafka sur le Rivage, 1Q84 (entre autres évidemment, ce sont seulement ceux que j'ai lu).
Est-ce lié à une difficulté à se projeter dans un lieu qui nous est inconnu et dans une situation qui nous l'est encore plus (encore heureux) ? Probable. Cela affecte t-il notre perception des faits ? Pas vraiment. Je m'explique un peu, ce sentiment d'avoir à faire à des personnages vient plutôt des coupes et autres contraintes imposées à l'auteur. On ressent l'humanité des intervenants, seulement ils manquent peut-être de profondeur. Mais faire la biographie complète de 50 clampins c'est pas trop possible, voir inintéressant. Eh ouais on touche le point sensible, nous ne sommes pas intéressants, et n'importe qui aurait l'air désincarné au travers de son récit. Nous sommes superficiels. Une phrase, somme toute banale, que pourrait tout à fait dire un disciple d'Aum Shinrikyo.
(Transition. Bim.)
La deuxième partie du bouquin se concentre en effet sur les témoignages de membres ou ex-membres d'Aum, une secte avec pour base les enseignements bouddhistes (autant dire que c'est pas par désir de tuer qu'on intègre le machin). Comme Murakami l'exprime bien dans son interlude précédant cette partie, l'opposition « nous » contre « eux » (relayée notamment par les médias) se doit d'être questionnée, quitte à nous mettre dans une situation inconfortable. Car oui c'est perturbant. On se retrouve face à des hommes et des femmes sensés (petite précision : aucun n'est impliqué dans l'attentat, ceux qui le sont croupissent en prison, certains dans l'attente de leur exécution...). Ils se sont tournés vers une vie spirituelle à cause de leur sentiment d'inadaptation. Quand le monde séculier vous paraît absurde et rempli de souffrance, qui peut vous en vouloir d'y avoir renoncé ? Leurs récits sont touchants. Peut-être plus que ceux des victimes de l'attentat ? Il faut garder en tête qu'on leur demande de raconter leurs parcours, leurs interrogations métaphysiques, pas juste un événement de leurs vies, contrairement aux victimes. Il n'est pas question de mettre les deux parties du livre sur le même plan, le but n'est pas la comparaison.
Quoiqu'il en soit les deux parties nous mettent face à nous-mêmes. Comment aurais-je réagis si je m'étais trouvé dans le métro à ce moment ? Ou si j'avais été témoin de la scène apocalyptique de personnes s'effondrant à la sortie du métro ? Aurais-je aidé ? Aurais-je fuis ou ignoré ? Ha. On préfère tous se dire qu'on aurait été des héros, et en même temps on doute...
On doute aussi de notre envie de s'intégrer au système. Aurais-je été attiré par une secte comme Aum à un moment de ma vie ? Ça paraît un peu exagéré comme ça, je crois que les sectes n'ont pas la même image et la même portée en Occident. Il n'empêche qu'à la lecture des récits de disciples nombres de personnes pourraient s'y retrouver.
Celui qui en a été le plus perturbé est probablement Murakami lui-même. Lui et sa prédilection pour les mondes secrets, aux frontières de l'étrange. 1Q84, sa trilogie que je conseille vivement, s'est d'ailleurs nourri de cette enquête (« oh hé, l'autre, il veut déjà nous refiler trois autres pavés. » ben oui, deal with it). Finalement la lecture de ce livre est peut-être une bonne introduction à son œuvre, en plus de donner les bases nécessaires à la compréhension de la société japonaise, il permet d'ancrer l'onirisme de ses romans dans la réalité. Une dimension importante, c'est pas juste du gros délire sous acide, là où se trouve l'onirique, se trouve souvent une métaphore d'interrogations bien réelles. (Bon là c'est purement subjectif, faites-en ce que vous voulez, un collier par exemple, c'est joli un collier.)
Avant de vous lâcher la grappe, voici quelques suggestions qui s'assortissent bien avec la lecture de ce bouquin (comment ça c'est pas un blog mode&beauté ?) :
– L'animé Paranoia Agent, réalisé par Satoshi Kon (13 épisodes, pas besoin d'être fan d'animés pour apprécier)
– Fire Coming Out Of Monkey's Head – Gorillaz (sans raison précise, j'aime bien le morceau)
– Pour le total look japon, vous pouvez écouter du Nujabes aussi (RIP Nujabes)
Et bien sûr les romans de Haruki Murakami : Danse, danse, danse, Les Amants du Spoutnik, Kafka sur le Rivage, 1Q84 (entre autres évidemment, ce sont seulement ceux que j'ai lu).
Voir aussi :
Mort à crédit - Louis-Ferdinand Céline

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