COMMENT SURVIVRE À L'ÂGE ADULTE ?
Lecteur chéri, aujourd'hui je commence mon blabla par un gros flashback : tu as 8 ans, tu es approximativement en CE2 et la vie est simple et tranquille. L’école, les parents, les jeux, les sorties au parc, et au lit à 21h. Voilà. À cette belle époque, tu avançais gaiement et sereinement dans la vie, sans avoir la moindre idée de la signification du mot loyer. Il te suffisait de trois playmobils (ou trois billes, ou trois pogs, ou trois cailloux selon l’âge que tu as aujourd’hui) pour passer une super aprèm dans les bras de l’imaginaire, et n’en sortir que lorsque tu entendais « À table ! ».
Je ne dis pas que cet âge-là était exempt de soucis : les épinards (ces immondices), la table de 9 (cette salope), ou encore les parents qui refusent que tu aies une Nintendo DS (le drame de ma vie) ; les problèmes étaient nombreux et venaient souvent te rappeler à quel point cette période était longue à ton goût, et comme tu avais hâte d’être enfin un-e grand-e, pour être libre et avoir le droit de ne manger que des Chocapic au dîner.
Et pourtant… Sournoisement, progressivement, subrepticement, des signes ont fait leur apparition. Ca commence par trois poils apparus à des endroits impromptus, une carte vital reçue à tes 16 ans, des capotes qu’il faut apprendre à utiliser autrement que pour en faire des bombes à eau, le bac à passer, une première feuille de paye, un pas, deux pas, trois pas hors du nid familial… Un beau jour, le constat tombe, et il est sans appel :
Je ne dis pas que cet âge-là était exempt de soucis : les épinards (ces immondices), la table de 9 (cette salope), ou encore les parents qui refusent que tu aies une Nintendo DS (le drame de ma vie) ; les problèmes étaient nombreux et venaient souvent te rappeler à quel point cette période était longue à ton goût, et comme tu avais hâte d’être enfin un-e grand-e, pour être libre et avoir le droit de ne manger que des Chocapic au dîner.
Et pourtant… Sournoisement, progressivement, subrepticement, des signes ont fait leur apparition. Ca commence par trois poils apparus à des endroits impromptus, une carte vital reçue à tes 16 ans, des capotes qu’il faut apprendre à utiliser autrement que pour en faire des bombes à eau, le bac à passer, une première feuille de paye, un pas, deux pas, trois pas hors du nid familial… Un beau jour, le constat tombe, et il est sans appel :
LA CRUAUTÉ DE L'ÈRE ADMINISTRATIVE
Qu’il était beau le temps où le seul papier que tu avais à gérer, c’était ton cahier de textes. Hélas, plus ça va, plus les papiers se mettent progressivement à te submerger : certificats d’études, papiers de sécu, carte d’assuré, ordonnances, factures EDF, avis d’échéance, contrats de travail, fiches de paye… De la paperasse, t’en bouffes tous les jours ou presque. Et encore, je me plains mais personnellement j’ai même pas encore d’impôts à déclarer (je gagne pas assez de fric pour ça HAHA) et mes parents reçoivent encore tous mes papiers de banque chez eux parce que j’ai eu la flemme de signaler mon changement d’adresse.
La flemme, tiens, parlons-en : découragé-e par la masse administrative qui envahit ta boîte aux lettres et par les innombrables identifiants, numéros de dossier et sigles interminables qui t’embrouillent le cerveau, tu laisses toute cette paperasse s’entasser sur ton bureau où elle finit recouverte par des miettes de muesli. Et tu fais semblant qu’elle est plus là. Jusqu’à ce que tu sois obligé-e de te bouger les fesses parce que sinon on te retire tes APL et les huissiers viennent saisir ta plaque de cuisson de camping et ton étendoir à linge bancal.
Et ça ça te fait flipper, oui, mais ça te rend pas pour autant ponctuel-le dans tes tâches administratives, non : au contraire, ça t’angoisse tellement que tu développes une phobie des papiers importants qui te pousse encore plus à attendre le dernier moment pour tout faire, les dents serrées et la mort dans l’âme.
La flemme, tiens, parlons-en : découragé-e par la masse administrative qui envahit ta boîte aux lettres et par les innombrables identifiants, numéros de dossier et sigles interminables qui t’embrouillent le cerveau, tu laisses toute cette paperasse s’entasser sur ton bureau où elle finit recouverte par des miettes de muesli. Et tu fais semblant qu’elle est plus là. Jusqu’à ce que tu sois obligé-e de te bouger les fesses parce que sinon on te retire tes APL et les huissiers viennent saisir ta plaque de cuisson de camping et ton étendoir à linge bancal.
Et ça ça te fait flipper, oui, mais ça te rend pas pour autant ponctuel-le dans tes tâches administratives, non : au contraire, ça t’angoisse tellement que tu développes une phobie des papiers importants qui te pousse encore plus à attendre le dernier moment pour tout faire, les dents serrées et la mort dans l’âme.
Ma tête quand je reçois une lettre de la LMDE.
Que faire, QUE FAIRE face à ce typhon de lettres dactylographiées, tamponnées et truffées de « cordialement » ? En tant que jeune adulte qui s’est retrouvée à découvert faute d’avoir ouvert ses enveloppes importantes à temps, ce conseil te semblera sûrement mal placé de ma part. Et pourtant, mes déboires administratifs m’ont donné une bonne leçon : choisis un jour de bonne humeur pour t’attaquer à un grand rangement et tri de papiers. Tu en profites pour mettre à jour tous les trucs que tu as laissé traîner et tu classes tout dans des jolies pochettes avec des étiquettes. Si tu as besoin de soutien dans cette angoissante épreuve, n’hésite pas à t’entourer. Personnellement, j’ai kidnappé mon meilleur ami qui a joué le rôle de pom-pom girl en m’encourageant dans mon effort : il n’a pas touché à un seul de mes papiers, mais il a chanté pour me donner du cœur et a levé les pouces à chaque appel que je passais à des standardistes qui me prenaient pour une débile parce que « Bonjour, j’ai reçu une lettre de vous y’a 6 mois mais je viens de l’ouvrir et je comprends pas trop ce qu’il y a écrit dessus ? ».
Alors fais-le. Il te faudra certes une bonne dose de courage pour t’y mettre (et ce sera forcément plus dur pour toi parce que tu pourras pas profiter de la façon très particulière qu’a mon meilleur ami de chanter) mais ton labeur aura un prix : quand tu auras, tout rempli, rangé, classé, envoyé… Je te dis pas l’orgasme.
Alors fais-le. Il te faudra certes une bonne dose de courage pour t’y mettre (et ce sera forcément plus dur pour toi parce que tu pourras pas profiter de la façon très particulière qu’a mon meilleur ami de chanter) mais ton labeur aura un prix : quand tu auras, tout rempli, rangé, classé, envoyé… Je te dis pas l’orgasme.
LA GESTION DE TON ANTRE
Avoir son appart, c’est le gros kiff : tu disposes de ton espace comme tu l’entends, sans avoir de comptes à rendre. Oui, parfaitement, cette culotte est tout à fait à sa place sur la table basse, quelqu’un y voit un problème ?
Oui mais voilà : alors même que ce lieu est constitué uniquement de choses qui t’appartiennent, et que ton seuil de tolérance au bordel est sans aucun doute plus élevé que celui de tes parents, le moment ou tu deviens toi-même importuné-e par ta propre crasse finit toujours par arriver. Et c’est à ce stade que tu commences à développer une certaine tendance à la schizophrénie : ton cerveau droit n’en PEUT PLUS de devoir lutter pour s’y retrouver dans l’océan de miettes, de poussière et de cheveux qui recouvre ce qui fut jadis le sol, mais ton cerveau gauche ne se sent pas CAPABLE de sortir l’aspirateur de son placard, qui n’est pourtant pas très loin (on parle d’un appart étudiant, si tu me suis).
Parce que oui, en plus de ça, c’est souvent à des tâches très simples que tient la capacité de ton antre à être présentable, et pourtant, ces tâches, tu ne parviens tout simplement pas à les faire. Sortir la poubelle, par exemple. Ce n’est pas dur. Ce n’est pas dangereux. Ce n’est pas chronophage. Mais j’y ARRIVE PAS. Quand mon cerveau droit me dit « allez, la prochaine fois qu’on sort, on le fait », mon cerveau gauche me fait « vas-y c’est bon, on fera ça la prochaine fois, y’a pas le feu » (y’a pas le feu non, par contre ça pue). Résultat : j’attends que les ordures débordent de ma poubelle au point d’atteindre ma table de nuit pour m’activer et enfin mettre le sac à la benne. AH BAH BRAVO.
Oui mais voilà : alors même que ce lieu est constitué uniquement de choses qui t’appartiennent, et que ton seuil de tolérance au bordel est sans aucun doute plus élevé que celui de tes parents, le moment ou tu deviens toi-même importuné-e par ta propre crasse finit toujours par arriver. Et c’est à ce stade que tu commences à développer une certaine tendance à la schizophrénie : ton cerveau droit n’en PEUT PLUS de devoir lutter pour s’y retrouver dans l’océan de miettes, de poussière et de cheveux qui recouvre ce qui fut jadis le sol, mais ton cerveau gauche ne se sent pas CAPABLE de sortir l’aspirateur de son placard, qui n’est pourtant pas très loin (on parle d’un appart étudiant, si tu me suis).
Parce que oui, en plus de ça, c’est souvent à des tâches très simples que tient la capacité de ton antre à être présentable, et pourtant, ces tâches, tu ne parviens tout simplement pas à les faire. Sortir la poubelle, par exemple. Ce n’est pas dur. Ce n’est pas dangereux. Ce n’est pas chronophage. Mais j’y ARRIVE PAS. Quand mon cerveau droit me dit « allez, la prochaine fois qu’on sort, on le fait », mon cerveau gauche me fait « vas-y c’est bon, on fera ça la prochaine fois, y’a pas le feu » (y’a pas le feu non, par contre ça pue). Résultat : j’attends que les ordures débordent de ma poubelle au point d’atteindre ma table de nuit pour m’activer et enfin mettre le sac à la benne. AH BAH BRAVO.
Ma tête quand je me décide enfin à cleaner le gros tas d'ordures qu'est mon chez-moi.
Laisse-moi être claire : le conseil que je m’apprête à te donner n’est sûrement pas celui que te donnerait ta mère, ton père ou tout adulte responsable de ton entourage, mais plutôt celui d’une ado attardée qui ne voit que les avantages de ses vices. Kiffe ta flemme. Laisse ton appart se transformer lentement mais sûrement en l’équivalent de la maison de Mimi Cracra. Et puis un jour, invite l’ami-e le plus propre et classe que tu aies et range, aspire, brique, frotte à fond. Le principe est le même que pour la paperasse : une fois que c’est fait, c’est la jouissance. Parce que déjà, tu vois bien la différence entre l’avant et l’après, ce qui est plus satisfaisant, et en plus, tu seras tellement content-e de voir ta grotte si propre et rangée que tu ne pourras pas t’empêcher de tout nettoyer et ranger au fur et à mesure afin de conserver ce bonheur de l’habitat feng shui. Pendant un certain temps. Passé ce délai, t’auras plus qu’à tout recommencer.
LE MASQUE DE LA MATURITÉ
Alors je sais. Je sais qu’en vrai, tu es une petite boule d’énergie qui ne demande qu’à faire la fête, que le mot « caca » te fait encore rire, et peut-être même que tu dors toujours avec ton doudou. (Moi non. Trop pas.) Mais dans les faits, et par là j’entends aux yeux de la loi, tu es une personne adulte. On attend donc de toi que tu te comportes en tant que tel dans certains milieux, et notamment celui, au hasard, du travail. Et là, c’est la mission : tu vas devoir cacher ta nature profonde de gosse arriéré et faire croire à tout le monde que tu es bel et bien majeur-e et responsable. Je me souviens de la première fois où j’ai été la plus jeune au sein d’un bureau de plus expérimentés. Au début, j’étais satisfaite de voir que j’étais trop bien assortie à mon nouveau crew, parce qu’on possédait tous un ordinateur de la même marque qui fait super pro (on se rassure comme on peut). Par contre j’étais la seule à avoir un fond d’écran Totoro. On peut pas lutter contre sa nature profonde.
Cependant, quelques astuces pourront te permettre de ne pas perdre toute crédibilité au sein du milieu professionnel. Par exemple, la règle d’or, ne jamais dire « je ne sais pas ». Je sais bien, que tu sais pas, là n’est pas le problème, moi c’est bien simple je sais jamais ou presque. C’est juste une question de vocabulaire. « Attends, je vais vérifier » sonne dix fois mieux que « je sais pas ». Ou alors, si vraiment l’information demandée est hors de ta portée : « ah oui, ça, tu devrais demander à Truc, je crois qu’il est plus informé là-dessus ». Et zou. Tu n’es plus un-e petit-e débutant-e paumé-e qui ne sait pas répondre aux questions des autres, mais quelqu’un de réactif qui aime le travail d’équipe. Tu veux te donner encore plus de swag professionnel ? Lorsqu’on te demande si tu as fait telle ou telle tâche : si tu l’as faite, ne réponds pas oui, mais « Oui bien sûr » (attends tu me prends pour qui, évidemment que je l’ai fait, c’est mon travail et j’le fais bien kesstucrois). Et si tu ne l’as pas faite : « Pas encore, je devais m’occuper de ça avant, je m’y mets dès que c’est réglé » (je suis trop une personne réfléchie qui a le sens des priorités). Et puis bien sûr, ne jamais avoir l’air démuni. Jamais les mains vides, tu es toujours occupé-e à faire quelque chose. Même s’il s’agit d’écrire ta liste de courses sur Word parce qu’on t’a pas donné de nouvelle mission : tu le fais avec concentration et sérieux. Toujours.
Cependant, quelques astuces pourront te permettre de ne pas perdre toute crédibilité au sein du milieu professionnel. Par exemple, la règle d’or, ne jamais dire « je ne sais pas ». Je sais bien, que tu sais pas, là n’est pas le problème, moi c’est bien simple je sais jamais ou presque. C’est juste une question de vocabulaire. « Attends, je vais vérifier » sonne dix fois mieux que « je sais pas ». Ou alors, si vraiment l’information demandée est hors de ta portée : « ah oui, ça, tu devrais demander à Truc, je crois qu’il est plus informé là-dessus ». Et zou. Tu n’es plus un-e petit-e débutant-e paumé-e qui ne sait pas répondre aux questions des autres, mais quelqu’un de réactif qui aime le travail d’équipe. Tu veux te donner encore plus de swag professionnel ? Lorsqu’on te demande si tu as fait telle ou telle tâche : si tu l’as faite, ne réponds pas oui, mais « Oui bien sûr » (attends tu me prends pour qui, évidemment que je l’ai fait, c’est mon travail et j’le fais bien kesstucrois). Et si tu ne l’as pas faite : « Pas encore, je devais m’occuper de ça avant, je m’y mets dès que c’est réglé » (je suis trop une personne réfléchie qui a le sens des priorités). Et puis bien sûr, ne jamais avoir l’air démuni. Jamais les mains vides, tu es toujours occupé-e à faire quelque chose. Même s’il s’agit d’écrire ta liste de courses sur Word parce qu’on t’a pas donné de nouvelle mission : tu le fais avec concentration et sérieux. Toujours.
LES ASSAUTS DE LA NOSTALGIE
Au fond, le pire dans tout ça, c’est pas les papiers relou ni la porcherie qui te sert de logement. Tu vas bien finir par les payer, tes factures, par ranger ton appart, par être pris au sérieux au travail (même si punaise, ça peut prendre du temps). Le plus douloureux, ça reste quand même ces instants où tu te replonges mentalement dans ta douce enfance, là où ta seule corvée était de mettre la table et où tes angoisses étaient si vite calmées par tes parents qui t’assuraient que non, vraiment, aucune sorcière ne te transformerait en ragoût dans la nuit. Il m’arrive régulièrement de me dire que je repasserais bien une journée en primaire à faire des exercices de symétrie sur des feuilles à carreaux et m’inventer des mondes dans la cour de récré.
Malheureusement, ceci est impossible : pour te consoler d’être définitivement un-e grand-e, force-toi donc à te rappeler les quelques désagréments d’enfance que tu n’as plus à subir aujourd’hui :
- Tes parents t’habillaient comme un-e plouc et t’ont fait arborer une frange aberrante jusqu’à l’âge de 8 ans
- Tu te faisais arnaquer dans tout ce qui est trafic de scoubidous/cartes Pokémon/toupies Beyblade/photos de stars/Pollypocket et j’en passe
- Quand tu faisais quelque chose qui ne plaisait pas aux adultes, on pouvait te punir ou te mettre au coin, alors que maintenant t’as le droit de leur dire que c’est des pruneaux pourris archaïques et sans humour, et ils peuvent rien te faire
- Tu savais pas le bonheur que c’est de FAIRE L’AMOUR, quoi !
Comme quoi, y’a aussi pas mal d’avantages à la vie d’adulte finalement ! La liberté, l’autonomie, la crédibilité… Promis, ça va aller.
En attendant j'te laisse, je vais mater Jumanji en mangeant des Kinder.
- Tes parents t’habillaient comme un-e plouc et t’ont fait arborer une frange aberrante jusqu’à l’âge de 8 ans
- Tu te faisais arnaquer dans tout ce qui est trafic de scoubidous/cartes Pokémon/toupies Beyblade/photos de stars/Pollypocket et j’en passe
- Quand tu faisais quelque chose qui ne plaisait pas aux adultes, on pouvait te punir ou te mettre au coin, alors que maintenant t’as le droit de leur dire que c’est des pruneaux pourris archaïques et sans humour, et ils peuvent rien te faire
- Tu savais pas le bonheur que c’est de FAIRE L’AMOUR, quoi !
Comme quoi, y’a aussi pas mal d’avantages à la vie d’adulte finalement ! La liberté, l’autonomie, la crédibilité… Promis, ça va aller.
En attendant j'te laisse, je vais mater Jumanji en mangeant des Kinder.
Voir aussi :